A quoi sert Proust : Proust contre la déchéance, un livre exceptionnel

Après la déportation par les Russes de quatre mille officiers polonais dans le camp de Starobielsk,
d’octobre 1939 jusqu’au printemps 1940, quatre cents d’entre eux furent déplacés à Griaziowietz :
ils furent les seuls à échapper au massacre de Katyn. Afin de surmonter leur abattement et leur angoisse, les prisonniers imaginèrent de se donner mutuellement des cours ou des conférences. Tandis que d’autres parlaient d’histoire, de science ou d’alpinisme, Joseph Czapski fit une série d’exposés sur la littérature française. Comme une mise en abîme, la remémoration de La Recherche du temps perdu par un prisonnier de guerre gravement atteint dans sa santé, sans livres ni documents à sa disposition, est elle-même une véritable création, et d’autant plus que Czapski n’est ni philosophe (il s’en excuse) ni critique professionnel (il en surclasse plus d’un…), mais lecteur et artiste, qui met en valeur la nouveauté de la phrase et de la forme proustienne, tout en ramenant son théâtre prodigieux à la filiation de Saint-Simon et de Balzac. Un lecteur qui n’a jamais lu Proust découvrira, dans ce livre miraculeusement arraché à la déchéance, un chemin tracé vers un auteur qu’on a dit, à tort, réservé aux élites ou entaché de snobisme mondain. Livre à la fois émouvant et pénétrant, Proust contre la déchéance est constitué de causeries improvisées entre 1941 et 1942 par le peintre polonais Joseph Czapski, devant ses camarades prisonniers du camp soviétique de Griaziowietz.

…C’est à eux que j’ai dicté cet essai dans notre froide de puante salle à manger du camp de Griazowietz.

La joie de pouvoir participer à un effort intellectuel qui nous donnait une preuve que nous sommes encore capables de penser et de réagir à des choses de l’esprit n’ayant rien en commun avec notre réalité d’alors, nous colorait en rose ces heures passées dans la grande salle à manger de l’ex- couvent, cette étrange école buissonnière o* nous revivions un monde qui nous semblait alors perdu pour toujours….

Cet essai n’est qu’un humble tribut de reconnaissance envers l’art français qui nous a aidés à vivre pendant ces quelques années en Urss.

La recherche, livres qui sont entièrement voués à l’étude des sens, qui contiennent des milliers de pages écrites par un homme qui savait jouir de tout d’une manière passionnée, raffinée et consciente à la fois, jusqu’à la dernière limite du possible.

En lisant ce livre,  vous apprendrez aussi pourquoi Proust a eu plus de succès en Pologne qu’en France